Vers un service social de proximité, dynamique et résilient

Libreville, 9 janvier 2021,  Dans sa parution du mois de janvier 2021, Jeune Afrique Magazine a publié l’entretien que la Ministre des Affaires et des Droits de la Femme lui a accordé dans le cadre d’un numéro spécial sur le Gabon. Nous publions l’intégralité  de cette interview que vous pouvez retrouver sous le titre  « Vers un service social de proximité, dynamique et résilient ». Madame le Ministre Prisca R. Nlend Koho revient sur le bilan d’une année d’intenses activités, malgré la pandémie de la Covid-19 et sur les perspectives d’un Gabon social en pleine mutation.

Jeune Afrique Magazine(JAM) : Madame la Ministre, à votre entrée en fonction il y a 13 mois, comment aviez-vous appréhendé votre nouvelle responsabilité ?

Prisca Nlend Koho(PNK) : C’est une importante mission qui m’a été assignée par le Président de la République, Chef de l’Etat, S.E Ali BONGO ONDIMBA qui place le social au cœur de son action politique. De ce fait, prendre la mesure des Affaires Sociales revient à se préoccuper des questions de l’humain en situation de vulnérabilité, avec de surcroit la mission de promouvoir les droits de la femme, dans une approche volontariste et participative.

A ma prise de fonction, je me suis appuyée sur le solide fondement idéologique, préalablement posé par le Chef de l’Etat, dans le cadre du Pacte Social, de la Stratégie d’Investissement Humain du Gabon et du programme de la Décennie de la Femme 2015-2025. J’ai aussi bénéficié de l’expérience enrichissante de la Première Dame, Madame Sylvia BONGO ONDIMBA, dont le pragmatisme et la détermination participent de manière significative à la facilitation de l’action sociale.

JAM : Vous avez initié un important chantier de réformes au sein de votre département ministériel, quelle en est la teneur ?

PNK : Ces réformes urgentes sont l’expression de notre ferme engagement à simplifier les procédures de prise en charge des personnes vulnérables et à renforcer les mécanismes et dispositifs de lutte contre les discriminations basées sur le genre, ouvrant la voie à une véritable autonomisation des femmes par la promotion des AGR[1] et de la culture entrepreneuriale.

En matière de prévoyance sociale, nous avons enclenché le processus d’arrimage de la gouvernance des OPS[2] au cadre normatif de la CIPRES[3]. Cela induit, entre autres, le toilettage et la consolidation du corpus juridique social pour une prise en compte des problématiques inhérentes aux personnes vivant avec un handicap ; à la protection des droits de la veuve, de l’orphelin, des personnes âgées, de la femme victime de violences, ainsi qu’à l’égalité Femme /Homme.

La finalité de ces réformes qui requièrent en outre un audit de nos ressources humaines et une digitalisation des opérations d’identification de toutes les cibles sociales, est un service social de proximité, dynamique et résilient, matérialisé par l’existence des entités opérationnelles que sont la  CNAMGS[4], la CNSS[5] et  le SAMU Social.

JAM : Outre les Affaires Sociales, les Droits de la Femme sont l’autre mission assignée à votre département ministériel, comment avez-vous abordé  cette question ?

PNK : Bon nombre d’études menées sur les questions de développement économique et inclusif en Afrique convergent vers un même point, la libération du leadership féminin pour que chaque femme développe un statut correspondant à son potentiel.

Pour y parvenir, l’élimination progressive mais urgente de  toutes les formes de discrimination, d’ostracisation et de violences basées sur le genre s’impose par la sensibilisation et les mesures coercitives adaptées. 

 C’est pourquoi, nous nous attelons, à l’initiative de la Première Dame à œuvrer pour l’adoption par le législateur, de textes actualisés entérinant de nouveaux articles en faveur des droits de la femme. L’adoption du texte de loi spécifique portant sur la répression de la violence à l’égard des femmes est déterminante.

L’autre défi crucial à relever est le réveil de l’engagement collectif et résolu des femmes pour la cause des femmes. A cet effet, une étape importante a été franchie en Décembre 2020, avec l’ouverture du Chapitre National du réseau AWLN[6] qui a pour vocation de fédérer les femmes leaders de tous les secteurs. Il sera instamment renforcé par deux autres comités : le premier en charge du suivi-évaluation du programme de la Décennie de la Femme et le second pour la mise en œuvre du Plan d’Action National de la résolution 1325, en faveur de la participation des femmes dans les processus de prévention et de résolution des conflits.

JAM : Quel a été le dispositif social du Gabon, en riposte à la pandémie à Covid-19 ?

PNK : Cette question interroge notre modèle social et sa résilience face aux chocs endogènes ou exogènes.  La riposte à la  pandémie a servi de test grandeur nature, sous la houlette du Chef de l’Etat, dont la proactivité et le sens aigu de l’urgence ont été salutaires pour le Gabon.

Son leadership et son engagement ont catalysé une mobilisation de solidarité citoyenne inédite qui nous a permis, par ailleurs, d’assurer la distribution d’une aide alimentaire à 131 000 foyers en situation de détresse, soit 790 000 personnes vulnérables dans le « Grand Libreville »[7] soumis au confinement total.

Nous avons saisi cette occasion pour actualiser nos données sociales et élaborer une cartographie, assez précise, des foyers de vulnérabilité. Il a été en outre question d’optimiser les critères d’octroi de l’aide sociale, en intégrant de nouvelles variables. Nous travaillons déjà à la modélisation d’un service social adapté aux types de vulnérabilité qui s’appuiera sur un registre social digital actualisé en temps réel.

JAM : Qu’en est-il de l’empreinte sociale du Gabon à l’international et quelles sont vos perspectives à moyen terme ?

Le Gabon jouit d’une reconnaissance à l’échelle internationale, aidé en cela par un appui technique et financier de nos partenaires au développement qui ont bien compris notre approche sociale inclusive et structurée.

Cet effort de redynamisation de notre modèle social a vocation à s’externaliser, pour faire avancer l’idéologie égalitaire. C’est dans ce sens que l’OIF a salué l’implication financière du Gabon, en appui à l’élaboration de la stratégie genre de l’organisation ; et que le Gabon a fait un bond à la 3ème place dans le classement des pays africains les plus exemplaires en matière de droits des femmes. Notre ambition est de garder le cap et aller plus loin !

En effet, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de réduction des inégalités Femmes/Hommes, la task force « Gabon égalité » co-présidée par la Première Dame et le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Madame Rose Christiane OSSOUKA RAPONDA a été lancée le 25 novembre 2020.

Ce programme comporte 33 mesures fortes, élaborées sous l’égide de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba avec la participation d’experts nationaux et des cabinets internationaux, Northon Rose Fulbright et Roland Berger avec pour priorité, l’activation imminente du numéro d’urgence et l’ouverture à Libreville, d’un « Grand Village » entièrement dédié à l’accueil des femmes victimes de violences.

 

 

[1] AGR : Activités Génératrices de Revenus

[2] OPS : Organisme de Prévoyance Sociale (CNAMGS, CNSS)

[3] CIPRES : Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale.

[4] CNAMGS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie  et de Garantie Sociale.

[5] CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale.

[6] AWLN : Réseau des Femmes Leaders d’Afrique.

[7] Grand Libreville : les communes, de Libreville, Owendo, Akanda et Ntoum